Délocalisations: pourquoi la haine et les trolls pro-russes déferlent-ils depuis le tiers monde ?

La Russie recueille les fruits de sa campagne anti-occidentale lancée dans les pays en voie de développement depuis plusieurs années. Elle y a progressivement mis en place les outils lui permettant, aujourd’hui, d’y obtenir un fort soutien dans sa sanglante guerre meurtrière et impitoyable contre l’Ukraine. Elle y dispose d’une armée de supplétifs numériques inondant les réseaux sociaux de sa propagande et de ses fakes new.

Bernard Grua
4 min readApr 12, 2022
Trolls afrique, Bernard Grua

Le modèle Prigojine s’exporte bien

Le modèle de la “troll farm” Prigojine est dupliqué à Rawalpindi, Pakistan, en étroite coopération avec la Chine. Lire cet article particulièrement saisissant:

C’est de là qu’est partie la vague d’attentats de l’automne 2020 contre la France. On a pu observer qu’il a fallu environ un mois pour que la propagande haineuse et islamiste d’Imran Khan (ex PM du Pakistan), relayée par son armée de trolls, infecte le Maghreb francophone avec les conséquences que l’on connaît. Quoiqu’il en soit, la France ignore le discours de haine, qui est promu contre elle depuis le Pakistan. C’est un tort, mais c’est ainsi. Voir aussi:

En revanche, un autre phénomène est directement constaté. Le camp poutinien a brièvement été dépassé par l’ampleur des réactions suscitées par son invasion de l’Ukraine. Ses supplétifs sur les réseaux sociaux ont, tout d’abord, été enfouis. Mais ils refont surface avec une extrême vigueur sous des comptes africains . Pourquoi ces profils ne cherchent-ils pas à dissimuler leur origine en se faisant passer pour des Européens? Cela reste un point à élucider.

Transfert du trollisme 1.0 dans les pays sous-développés

Je surveille cette tendance depuis 2018, depuis que le nombre de “likes” de la page Facebook RT France est brutalement passé de 400 000 à 800 000. Cette progression s’expliquait par l’Afrique. Il y a donc quatre ans j’écrivais: “Que ferons nous, demain, quand un continent entier nous haira?”. On y est.

En tout état de cause, on ne peut que constater que le modèle #Prigojine a été dupliqué sur ce continent, qui offre un double avantage: une population francophone et un très faible niveau de coûts. La production y a été délocalisée comme dans tout processus industriel arrivé à maturité. Pour les pays anglo-saxons, c’est l’Afrique anglophone et le Pakistan qui sont mis à contribution. Ce sont des trolls 1.0. Des trolls au premier degré, qui soutiennent ouvertement la guerre russe en Ukraine. On n’en trouve plus en Europe, majoritairement hostile à poutine, sauf chez les plus primitifs et les moins instruits de la fachosphère. Ils inondent les commentaires sous les articles français en pratiquant un bestial copié-collé de ce qui est préparé par d’autres. A aucun moment, il n’est fait appel au raisonnement. Le fil est bien souvent une succession de whataboutismes. Donc, il ne sert à rien d’argumenter. Je me contente de coller le visuel ci-dessous, pour lequel ils n’ont pas de réponse. N’hésitez pas à l’utiliser vous aussi, si vous le souhaitez.

Pour être plus complet, on pourrait mentionner la part grandissante des trolls 1.1. qui allient poutinisme, islamisme, anti-sémitisme, anti-colonialisme et #BLM (Black Lives Matter) ainsi que #POC (People of Color).

Dans les pays développés, systématisation du trollisme 2.0

Parallèlement, dans nos pays développés, on assiste à l’envahissement du troll 2.0. C’est-à-dire une personne qui — apparemment — s’oppose à la guerre en Ukraine, mais qui en réalité conserve le narratif pan-russe poutinien et pousse au “désarmement” unilatéral afin que Moscou puisse atteindre ses objectifs. Cette population, pratiquant le second degré, pullule en Europe. Elle peut être présente dans les manifestations pro-Ukraine, voire les organiser, c’est le cas à Nantes en ce qui concerne la “Coordination pour la paix” menée par François Preneau. Elle n’hésite pas à afficher un bandeau Facebook ou Twitter, “I Stand with Ukraine”.

Elle parle de paix, comprendre une capitulation de l’Ukraine. Elle parle de culture, comprendre la culture ukrainienne comme un sous-ensemble régional de la culture russe. Elle parle de fraternité et d’un même peuple, comprendre l’appartenance du territoire ukrainien ET de ses habitants à la population russe. Elle parle au nom des Ukrainiens. Finalement, à plus ou moins longue échéance, elle cite l’OTAN comme cause de la guerre et sa sincère préoccupation quant à l’existence de Nazis ou de Néonazis en Ukraine. Chassez le naturel, il revient au galop. Le cas le plus emblématique est, bien évidemment, celui de La France Insoumise menée par Jean-Luc Mélenchon.

Le haut du panier des trolls 2.0, ce sont les agents d’influence, qui, eux, à la différence des purs trolls peuvent produire du contenu, voire des événements. Ce fut le cas du Festival du Cinéma russe à Nantes, maquillé de bleu et de jaune par ses organisateurs, Macha Milliard, Univerciné et le cinéma Katorza. Voir:

#StandWithUkraine

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Bernard Grua

Photographer, writer, contributor to French & foreign media: culture, history, heritage, geopolitics — https://bernardgrua.nethttps://pamirinstitute.org